La Route des Mouettes

Premières impressions

Déjà prés d'un mois que nous sommes au Cap Vert ! Le temps passe vite, mais parfois il faut savoir laisser le temps s'écouler pour qu'une petite flamme naisse…

Nous sommes à Sao Nicolau.

 

Chères lectrices et lecteurs de notre blog, nous tenons à vous avertir que vous allez dorénavant trouver autre chose sur ce blog. Jusqu'à présent, durant le voyage aller, nous avons été un peu touristes, maintenant la véritable raison d'être de notre venue au Cap Vert commence : créer du lien avec les ruraux, notamment les paysans. Donc nous aurons toujours des anecdotes exotiques (tic tic !) à vous proposer, mais nous allons aussi vous relater les rencontres, les méthodes culturales, les modes de vie des différentes îles, vallées, villages que nous croiserons.

Nous ne pouvons plus  suivre le journal de bord, au jour le jour, car les connexions internet ne sont pas simples (horaires d'ouverture aléatoires, problème de ligne…) ; nous vous ferons donc plutôt un petit bilan régulier.

Merci d'être si nombreux à partager ce périple (62 inscrits à la newsletter à travers la France, mais aussi l'Afrique, Madagascar, le Portugal, les Antilles…), sachez que vos messages nous apportent du bonheur et de l'énergie pour aller plus loin dans nos démarches.

Boujou à toutes et tous.

Nathalie et Rémy

 

Premières impressions, première prise de recul.

Toutes les informations suivantes sont majoritairement issues de nos observations, de quelques rencontres avec des personnes parlant français ou anglais, elles vous permettront de planter un peu le décor, en attendant de pouvoir rencontrer de véritables techniciens et que notre créole cap verdien s'étoffe pour parler avec les ruraux.

-          Au niveau du climat :

Comme nous avons pu vous l'écrire plus haut, nous sommes étonnés de la sécheresse qui sévit sur le Cap Vert. En fait, l'image qui est véhiculée en France (image sur dépliant, sites Internet…) est loin de la réalité, où du moins les photos doivent être prises durant la saison des pluies ou juste après.

Sortie de Tarrafal, direction Vila Ribeira.

Ribeira Seca, tel un oasis.

Nous sommes en milieu tropical sec (zone sahélienne septentrionale), à plus de quatre mois de la saison des pluies (juillet à octobre pour les zones les plus arrosées), mais déjà de grandes étendues sont dépourvues de tous végétaux. Sao Nicolau décrite comme verte et agricole est majoritairement pelée ; les seules zones vertes sont en fait irriguées, par goutte à goutte ou levadas.

-          Au niveau de la gestion de l'eau :

Au Cap Vert l'eau est payante et sa distribution est réglementée par l'état. Certaines maisons ont l'eau courante, mais c'est parce qu'elles sont équipées de citerne de rétention, alimentée par le réseau quelques heures par semaine. La quête de l'eau est donc LA préoccupation de toute la population. Nous constatons que des gros moyens (gouvernement cap verdien et coopération internationale, dont la France) ont  été mis en place pour approvisionner la population ou les échanges en eau :

Vis-à-vis de la population :

- plusieurs forages dans les villes et villages,

- propagande à chaque lieu de distribution pour une bonne gestion de la ressource en eau,

"Préserver l'eau et exiger sa pureté" "L'eau est la vie"... les slogans sur les fontaines incitent les cap verdiens à respecter cette ressource précieuse.

- les fontaines sont réglementées : une femme responsable fait payer l'eau prélevée (nous avons vu aussi des bons, mais pour l'instant pas d'explication du fonctionnement) ; les horaires et les jours d'ouvertures sont respectés.

Vis-à-vis des cultures :

Système de citernes en amont des champs : alimentation par canalisation (depuis un forage, distribution réglementée : volume, heure et durée d'adduction) ou alimentation par camions (l'eau est achetée soit à l'état, soit à un « grossiste »).

Citerne de rétention à Tarafal, alimentant des jardins en contre bas.

Irrigation par goutte à goutte des pommes de terre, à Cachaço.

Levadas (souvenez-vous à Madère, les petits canaux) : depuis une source souvent souterraine, une motopompe alimente un levada. Nous en avons vu à deux endroits : Ribeira Seca et Cavoeiros. Dans ces terrasses les bananiers, manguiers, papayes sont présents et donnent de beaux fruits.

 

 

Périmètre irrigué de FAJA do BAIXO : situé au nord Ouest de S. Nicolau.

« La vallée de Faja est dite fossile. Elle est ancienne, partiellement comblée par les coulée de basalte plus récentes dans lesquelles s'écoule la presque totalité des eaux de pluie qui tombent du Monte Gordo et se perdent en totalité en mer. Pour retrouver l'eau, des français ont recherché le fond de l'ancienne vallée fossile en traversant toute l'épaisseur des basaltes récents. Plutôt que le forage, les ingénieurs ont préféré le percement d'un tunnel situé dans le bas de la vallée. L'eau s'écoule par gravité jusqu'aux cultures alors que les forages auraient nécessité de pomper à grand frais 200 m de profondeur. Mise en chantier le 3 juillet 1980, la galerie de Faja a été terminée le 31 août 1986, avec une longueur de 2180 m. Le débit est d'environ 800 m3/j, contrôlé par un système de serrements et de vannes qui permet de le réguler en fonction de la recharge de la nappe de pluie. Ce débit permet l'irrigation de 30 nouveaux hectares de terre fertiles en aval immédiat de la galerie. C'est le plus grand périmètre irrigué de Sao Nicolau. » Source Cap Vert, Loin des yeux du monde, Guides olizane/découverte. (Merci encore à Isabelle de nous l'avoir laissé)

   

-          Au niveau agricole :

- Au sud de l'île, de nombreuses terrasses abandonnées, car les précipitations sont très faibles (100 mm/an).

Seuls subsistent les murets, traces des estives passées, quand l'herbe recouvrait ces sommets.

Anciennes terrasses, au milieu sur le versant .

Habitations en ruine à proximité. Il y a moins de 40 ans tout était cultivé. Le coût de l'eau est exorbitant dans ces endroits, aucune culture n'est rentable.

 

Rq : je mettrais un bémol en pensant à la ferme que nous avons visité au nord de Lanzarote au Canaries : la culture d'aloès vera pourrait avoir sa place. L'aloès vera se plait naturellement ici. Ceux que nous voyons sont très rabougris, leur chair gélatineuse a presque disparue par évapotranspiration de l'eau, mais ils résistent à l'extrême sécheresse.

J'ai repéré une partie plane de plusieurs hectares, avec un fond qui semble être alimenté par des sources… En discutant avec le responsable du parc Monte Gordo, il m'a avoué que les locaux n'y croient pas… Encore un projet possible à monter avec la population ou une grosse ferme à créer, selon l'état d'esprit que l'on peut avoir !    

A d'autres endroits plus en altitude (500 m), certaines terrasses sont encore entretenues, elles semblent fournir au moins une récolte (maïs généralement ou patate douce), pendant la saison humide (traces d'outils, débris végétaux récents…).

 

- Au centre, en altitude, et au nord :

Sans irrigation : une seule récolte maïs.

 

Avec irrigation : pomme de terre, patate douce majoritairement, haricots, oignons.

- Les animaux sont parqués dans des enceintes de quelques mètres carrés, faites de pierres, souvent couvertes avec des débris de tôle dans le meilleur des cas, sinon des feuilles de palmiers, bananiers si des arbres présents à proximité.

Ils sont nourris avec les rafles de maïs récoltées au fur et à mesure des besoins (taux d'humidité très bas, digestibilité ?) en stabulation ; lorsqu'ils sont en estive, nous ne voyons pas de quoi ils se nourrissent… ce qui les amènent parfois à manger des emballages divers… riches en cellulose (cartons, sacs à ciment…)! Depuis l'aluguer, de grandes herbes donnent un air vert pâle à certaines valleuses, mais nous avons pu observer qu'elles renferment un latex. Elles ne semblent donc pas comestibles.

 

 

    - Au niveau de l'environnement :

De gros efforts ont été menés par la coopération luxembourgeoise pour la gestion des déchets. Un système de collecte est opérationnel. De grands paniers en fer, à plusieurs dizaine de centimètres du sol, devant les maisons, évitent que les sacs poubelles soient éventrés par les chèvres, chiens…

Parc National Monte Gordo : créé en association avec le ministère de l'Agriculture et de l'environnement et des ONG américaines, il est à la fois un site garantissant la préservation des plantes endémiques sur le « poumon » de l'île

Euphorbie Tokeyana.

Dracaena Draco

(même chose qu'à Madère, La Gomera : la forêt de conifères, les lichens… captent et retiennent l'humidité des nuages) ; mais aussi la création de micro projets : formation de guide de montagne, artisanat,…

Sylvio, jeune guide en formation, nous explique la flore du parc.

Vous cherchiez quoi faire des vieilles paires de chaussures de mémé ?       

Le responsable du parc nous confirme dans nos premières impressions agricoles : la technique du compost n'est pas connue ici. Les paysans font un mélange de fumier stabulation des chèvres, vaches, cochons et de résidus de canne à sucre ou maïs (ce que les vaches n'ont pas mangé). Mais, la décomposition de la matière organique n'est pas terrible : climat trop sec, débris végétaux trop grossiers.

Ainsi, dans chaque rencontre avec des paysans, j'explique la technique que nous utilisons dans le jardin ou que nous avons vu fonctionner à Tacharane au Mali, suite aux enseignements de Pierre Rabhi. Certains écoutent attentivement, d'autres semblent dubitatifs… Est-ce que l'occasion nous sera donnée pour faire quelques planches de compost durant notre séjour ? Nous en avons fortement envie. Patience…   

 

-          Au niveau des infrastructures :

- Voies de communication : à l'île de Sal, trois axes goudronnés construits et bien entretenus reliant les principales villes de l'île. A Sao Nicolau, route en bitume en construction pour remplacer celle pavée, mais les difficultés sont grandes : pente de 15 à 20 % tout le long, dans le désert.

Ouvriers lors de la pause durant la construction de la nouvelle route.

De l'autre côté de l'île avant d'arriver à Vila Ribeira.

- Cybercafés dans toutes les villes.

- Ecoles, lycées réalisés en dur et mieux fini que les habitations locales en général.

- Commerces nombreux, avec une forte présence de chinois.

- Le port : malgré un aspect un peu désœuvré connait une bonne activité.

Nous assistons aux mouvements sur le quai :

Arrivage des bateaux de pêche locaux : maquereaux tous les matins, la principale source d'alimentation de la population. Nettoyage du poisson et salage sur le quai. Attention de ne pas laisser l'annexe dans les parages !

 

Sinon arrivage plus irréguliers de thons, pour l'usine de conserves.

 

Ferrys : un petit fait du fret et transporte quelques passagers ;

Dechargement, tri, rembarquement pour les îles suivantes. 

un plus gros (tous les 15 j, venant de Sal et allant à Sao Vincente) fret, passagers plus nombreux et véhicules. Attention mal de mer garanti d'après les locaux, la coque en « fer à repasser » nous donne la même impression.

 

Côté plaisance cela laisse à désirer : nous ne savons jamais où laisser l'annexe, pas de place clairement identifiée à cet effet. Des jeunes locaux nous proposent leur service pour la garder, mais ne restent jamais à proximité ou lorsque nous rentrons, cinq ou six nous disent la bouche en cœur que « j'ai gardé l'annexe ! ». Il faut rester ferme dès le départ. Certains ont su nous dépanner lors de l'arrivée du ferry quand nous étions au cybercafé, nous avons su reconnaître leurs services. Maintenant, ils ne nous demandent plus rien ! Les autorités du port ou locales pourraient mettre en place une association qui formerait les jeunes (au moins à faire des nœuds corrects) et proposerait un vrai service.

- La plage de galets devant laquelle nous mouillons est un lieu de nombreuses activités :

Point d'eau où les femmes viennent laver le linge et le sécher sur les galets,

Ramassage de galets qui servent pour la construction de la nouvelle route. Des femmes font des tas à l'aide de seaux. Un camion vient les chercher, des hommes les chargent… à la pelle.

Séchage des maquereaux salés, pendant deux jours : le moyen de conservation local à défaut de frigo !

Baignade, terrain de foot pour les enfants du quartier qui se trouve à proximité.

Mais nous y avons aussi constaté une autre activité peu ragoutante : cette même plage sert de toilettes publiques. Il serait pourtant sûrement possible de prévoir des toilettes sèches pour que toutes les personnes qui travaillent, vivent et jouent à cet endroit puissent soulager leurs besoins naturels. Ce projet pourrait être commun à celui de compostage pour les jardins (cf. au dessus). Nous essayerons en temps voulu de creuser la question, si l'occasion se présente.

 - Restructuration administrative en cours : deux « comicao instaladora » sur l'île, une à Tarrafal, une à Vila Ribeira Brava organisent la mise en place d'élections municipales. Elections dans quelques mois.

 

Les rencontres que nous avons faites à Sao Nicolau :

-          John Pedro : journaliste local rencontré lors du carnaval, puis croisé à plusieurs reprises. Il parle français. Il s'occupe d'une association locale en lien avec la ville de Montpelier, pour des fournitures scolaires, des appuis médicaux.

-          José Manuel : marin retraité, parlant anglais, proche des paysans. Il vit à Tarrafal, mais aime passer ses journées à Cachaço, son village d'enfance. Il nous fait découvrir les champs et rencontrer des locaux, dans ces deux endroits.

Cachaço : irrigation au goutte à goutte. Production de pomme de terre, patate douce, maïs.

 Tarrafal : dans la petite zone agricole, avec irrigation goutte à goutte pour certaines parcelles.

Petite serre en filet protecteur, réalisée par des italiens. Nous n'arrivons à savoir si c'est privé ou financé par ONG.

Elevage de porcs, chèvres…

 

A l'ombre des épines, porcinet fait du lard !

-          A Ribeira Seca, un véritable oasis : le responsable d'une « grosse » (pour ici) exploitation parle français et nous laisse découvrir les parcelles où sont cultivés des légumes (oignons, pomme de terre, patate douce, manioc, choux), canne à sucre, fruits (mangue, noix de coco, papaye, palmiers dattier).

-     A Faja do Baixo, au détour d'un chemin, dans le périmètre irrigué, des paysans nous offrent une papaye à déguster sur place, une à remporter avec plusieurs bananes.

Sans commentaires !

 

-    Au lycée de Tarrafal : rencontre avec Tatiana, professeur de français. Nous avons enclenché un contact pour l'école de Saint Nicolas d'Aliermont. Le projet de grand pavois a bien plu au directeur. Feu vert pour un échange entre les deux écoles.

Nous reviendrons à Tarrafal dans dix jours, le temps que les professeurs désignent les élèves qui pourront dessiner les fanions, mais aussi pour que les élèves préparent des recettes, des histoires… à transmettre à nos amis de Saint Nicolas d'Aliermont. Ils auront une belle surprise en rentrant de vacances.

En discutant avec Tatiana, nous avons parlé de notre souhait de nous rapprocher des paysans. Elle va prendre contact avec le bureau du Ministère de l'Agriculture et de l'Environnement (dont nous ignorions l'existence, malgré nos questionnements auprès des paysans, responsable du parc Monte Gordo) de Ribeira Brava, mais aussi avec le président de la Comisao Instaladora (responsable politique de la région de Tarafal).

 

Voilà, tous ces moments riches comblent nos envies de dépaysement. Le mouillage de Tarafal n'est pas très agréable, car des vents thermiques dévalent les montagnes par bourrasques certains jours ou nuits. Leurs directions sont variables à tous instants et en force (entre 15 et 25 nds). La Mouette tourne sur son mouillage, où nous avons mis deux ancres par sécurité.

Sinon, le poisson est toujours fraichement pêché et délicieux.

Il suffit d'aller devant la digue en annexe, avec un grappin, pour faire des apnées au milieu de bancs de centaines de poissons et de trouver dans les rochers des vieilles, poissons péroquets, orphis, rougets barbets… 

Les contacts avec les autres équipages sont l'occasion de se faire de nouveaux amis, voici Diana et Rolf venant de… Suède. Nathalie et Diana se parlent en anglais et traduisent à leurs hommes. Ils nous ont montré leur maison bordant une forêt de plus de 100 km de large. Les castors leur coupent les arbres qu'ils débardent pour se chauffer dans un chalet en bois de couleur rouge brique.

 

Nous partons demain pour l'île de Santa LUZIA : île désertique, où seuls les pêcheurs locaux font escale ; les poissons n'y sont pas farouches, Rémy va pouvoir tester le fusil de chasse sous marine que je lui ai offert pour son anniversaire  et moi travailler mon apnée !

Puis nous irons à Sao Vincente, à Mindelo. Nous laisserons le bateau à la marina pour prendre le ferry vers Sao Antao, où les mouillages ne sont pas sûrs.

A Sao Antao, l'île la plus verte, les randonnées sont fabuleuses et les ONG rurales nombreuses. Nous ne pourrons pas rester longtemps car laisser le bateau à la marina, dormir en pension, manger à l'extérieur va entamer notre budget.

Retour ensuite à Tarrafal pour concrétiser avec les lycéens (peut-être aussi avec les paysans), le programme que Tatiana aura concocté.

A bientôt. Portez-vous bien.

Rémy et Nathalie

 



14/02/2008
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