La Route des Mouettes

Sao Vincente Santo Antao


Mindelo

19 février : quand les annexes volent au vent, l'équipage reste en plant !

Nuit ventée, mais nous n'avons pas de houle ni de clapot, donc le bateau pivote sans nous secouer. Le vent montre peu à peu durant le déjeuner pour s'établir à 25-30 nds. Les voisins un peu plus dans la baie ont eu droit à 42 nds !

Nous voulions aller au Minsitère de l'Agriculture et de l'Environnement pour avoir plus d'infos sur l'agriculture cap verdienne, mais nous ne pouvons pas débarquer sans risquer de nous retourner. Le moteur de l'annexe ne s'en remettrait pas. Nous ne prenons pas le risque.

Du coup, blog, lessive, lecture, préparation des routes futures… nous nous occupons dans notre bateau à roulettes ! 

Voici les restes de notre drapeau cap verdien (cousu main) après la fameuse nuit à Sta Luzia (80 km dans les pointes). 

Le vent s'est calmé nous pouvons vous donner des nouvelles !!!

 

18 février : nous perdons la notion du temps !

Bien reposés, nous laissons notre annexe à la marina pour 100 esc. (1 €). Nous allons prendre une douche au « Club Nautico ». Propreté correcte. Nous restons un peu à apprécier les joies de l'eau douce et fraîche, à volonté.

Nous allons explorer Mindelo. « Nous ferons les papiers demain, nous sommes dimanche c'est fermé. »

 

Ruelles aux façades colorées. Femmes avec grosses bassines en plastique entre leurs cuisses. Elles vendent soit des légumes (petits poivrons verts, piments, oignons…), du poisson, des beignets… Les discussions enjouées résonnent et se mélangent aux musiques qui sortent des bars et boutiques.

 Réplique de la tour de Belem.

Au pied de la réplique de la tour de Belem : barques chamarrées, pêcheurs réparant leurs filets, attroupements autour de joueurs de cartes… 

 

Le marché aux fruits et légumes, il y en a un autre pour le poisson.

Nous trouvons sans peine la boulangerie que Julie nous avait indiquée. « Ce n'est pas cher ici le pain ! Quatre petits pains aux céréales pour 50 esc (50 cts d'€). » Rémy n'en revient pas.

 

  Nous cherchons un restau pour midi. Nous fuyons ceux remplis de touristes. Nous entrons dans un petit bar, au sol propre, patron et serveur accueillants. Sur la carte « Cachoupa » en demi portion ou portion complète. C'est LE plat national du Cap Vert que nous n'avons pas encore eu l'occasion de déguster. Les recettes sont variables, mais la base est faite de maïs grain, haricots, igname avec de la viande ou du poisson. Nous commandons deux demi-portions. Le serveur nous apporte deux petites assiettes bien remplies, garnies de porc, de rondelles de chorizo frit et un œuf sur le plat. Autant vous dire que nous sommes vite calés, mais nous finissons tout. C'est très bon, je crois que nous en mangerons régulièrement.

Ingrédients pour la Cachoupa : haricots, maïs, blé... sans oublier le piment pour la sauce.

Un touriste avec un gros sac à dos rentre dans le bar. Au bout de quelques instants, il vient nous demander si nous parlons français. Nous l'invitions à notre table. Il vient d'arriver hier au Cap Vert pour quinze jours, il va à Sao Antao, faire de la rando. Il est de Genève. Nous nous séparons car il doit prendre le ferry après des échanges sur nos impressions sur le Cap Vert : pauvreté, sècheresse, attitudes des touristes français, pseudo colonialisme italien, chinois…  et surtout gentillesse et authenticité des cap verdiens.  Au milieu de la conversation « Mais nous ne sommes pas dimanche », le franco suisse nous regarde étonné. « Quel jour sommes nous ? Nous ne savons plus, depuis ce matin nous hésitons ??». « Ben, lundi », il comprend que nous ne blaguons pas. « Ca s'est mon rêve, avec le boulot que je fais… Oublier quel jour nous sommes ! J'espère que mon séjour va déjà me permettre de souffler ». Nous lui souhaitons une bonne traversée vers Sao Antao (il a facilement le mal de mer) et de bonnes vacances.

Alliance française de Mindelo (facade bleue sur la photo) : belle bâtisse, mais sans âme. Demande veine de renseignements sur les ONG françaises. Petit guide franco-capverdien dans présentoir, mais rupture de stocks et impossible de nous vendre le dernier exemplaire. Nous obtenons quand même quelques infos : ministère de l'agriculture, cybercafé pas cher.

Consultation des mails : que du bonheur. Des nouvelles du Mali, de l'Aber Wrach, de Dieppe, des Vosges, photos des petits zouzous au carnaval… Nous sommes nombreux à faire le voyage !

 

 

 

17 février : nuit pourrie !

Réveil brutal en pleine nuit. « 25 nds, en direct de la montagne ». Bruit de soufflerie en continu. Mouvements secs du bateau malgré le ressort.

Le vent joue avec nos nerfs, ça devient pesant à la longue. Cela dure toute la matinée, avec maximum à 35 nds. Le mouillage devient impossible et pas sûr. Nous voulions rester une nuit de plus, mais pas de plongée, ni de descente à terre possible. Nous décidons de partir.

A 14H (3 heures avant la PM), nous quittons le mouillage par 27 nds dans les rafales. Dès que nous nous écartons de la côte, pour nous contrarier, ça diminue à 18 nds.

Nous empruntons le canal de Santa Luzia, un petit bout de « torchon » à l'avant pour appuyer le moteur. Près serré. Vitesse variable de 3.5 à 5 nds.

Brisants turquoises et fumant à tribord comme à bâbord, vagues molles et puissantes à la fois. Spectacle fascinant qui nous rappelle que nous sommes tout petit petit…

Fous de Bassan surfant sur une palette.

Nous rentrons dans le canal entre Sao Antao et Sao Vincente. Vent contre courant. La mer a un aspect… « Bizarre, je dirais bizarre ! Comme c'est bizarre ! »

Falaises zébrées à bâbord, nous doublons un rocher à la forme de tête d'iroquois, trouve Rémy.

 

La baie de Mindelo nous apparait d'un coup. Gros bateaux de commerce, constructions, silo, grues… quel contraste après l'île désertique et la côte nord de Sao Vincente.

Après la digue des ferry, le port de plaisance apparait, à sa gauche le mouillage. Tout parait calme.

Bonite grillée au citron vert, purée de pois chiche.

RE-« enfin une bonne nuit ?? » en nous couchant telle une incantation cette fois-ci !

 

16 février : notre première Bonite !

Départ de Tarrafal pour Santa Luzia vers 9H.

Pas de vent le long de la côte, ce qui permet à Rémy de… réparer le pilote. Le câble électrique s'est arraché lorsque nous avons rangé (non délicatement nous l'avouons) les caisses, matos de plongée… dans le coffre arrière.

Poissons volants autour du bateau. « Ca chasse ! » Installation des attrapes poissons.

20-25 nds arrivés à la pointe, en quelques minutes.

Nous croisons Nadia et Patrick, les niçois qui nous avez prêté leur scooter à Sal. Chaleureuses salutations. Rémy tente un contact VHF.

Alors que je remonte ma mitraillette, Rémy constate que je l'ai montée à l'envers. Nous installons un élastique pour qu'elle ne soit pas en direct, afin de ferrer en souplesse.

Petite potée de légumes frais. Nous pensons à l'équipe des femmes qui nous ont servie dans le petit marché aux légumes de Tarrafal. Pleines d'attentions, leurs mains précautionneuses nous tendent une gamelle, prennent les légumes, leurs yeux pétillants au milieu de visages ridés, burinés par le soleil, leurs sourires souvent édenté mais tellement lumineux... Des regards profonds et vrais, malheureusement que nous ne croisons pas souvent dans notre « douce France ».

« Regardes l'élastique, il y quelque chose ! ». Je remonte la ligne. Elle file à l'oblique « Oui, poisson, ça y est enfin ! ». Une trace argentée fend l'eau, se débat… « Un gros maquereau ou une bonite ?»  


« Passes moi du whisky ! » Je regarde Rémy étonnée « Du whisky ? ». Rémy me montre une technique que je ne connaissais pas pour estourbir une belle bonite : un dé de whisky dans le gossier. NB : ne pas prendre du « grogue » local, elles adorent et sont ravigotées.

Arrivés au mouillage dans une baie tranquille et qui semble très bien abritée. Santa Luzia la désertique s'étale dans les rouleaux turquoises.

Virginie et Yves, les savoyards rencontrés à Sal, sont là. Un autre bateau dans le fond vers le campement des pêcheurs.

 Nous gonflons l'annexe, sortons le matos de plongée apnée. J'opte pour la combinaison 7 mm, Rémy passe mon shorti. Repérage en vue d'une plus grosse expédition demain matin. Fonds riches en poissons de toutes tailles et couleurs, dont une sorte de gros mérou noir et bleu. Rémy veut faire un test de fusil, mais la mer redescend et brasse les fonds moins profonds, moins de lumière car le jour décline. Partie remise à demain !

 Nous allons saluer Virginie et Yves, ils nous invitent à boire un coup. Nous échangeons sur nos rencontres, navigations, randos… depuis Palmeira. Chaleureux moment.

« Enfin, une nuit calme… » pas de vent dans la baie quand nous fermons les yeux.


19/02/2008
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Quatre années sans.... pluie !

Coucher de soleil à Tarrafal, au loin Razo, Branco.

Comment ne pas penser à hier soir ? Cela parait si calme et paisible ce soir !

En voyant les fanions des élèves français et en regardant la bouleuge à l'horizon, nous nous disons que cela valait le coup de venir porter ce message d'amitié.

 

27 février : il fallait vraiment avoir envie d'y arriver à Tarrafal.

Nous devons repartir pour Tarrafal où les lycéens doivent nous attendre pour concrétiser l'échange avec le collège de Saint Nicolas d'Aliermont.

Nous nous engageons vers 13h15 dans le canal entre Sao Vincente et Santo Antao. Le flux nous porte, le vent nous pousse avec ses rafales entre 17 à 30nds. Nous portons juste le génois, craignant plus de vent sous l'île.

Nous passons par l'ouest de l'île et au sud des îles Santa Luzia, Branco et Razo. Vent de 15 nds a annoncé la météo des fichiers grib que Rémy a récupérés hier. Moi, j'étais dubitative sur notre départ « Tu as vu l'état de la mer depuis trois jours ? A mon avis, nous allons nous faire secouer. Et puis, les 15 nds de l'autre côté de l'île, tu sais bien que ce sera entre 25 et 45, dû à l'effet de fetch. Les deux combinés… » Mais Rémy me rassure : « Nous serons travers ou portant. La navigation devrait s'améliorer quand nous aurons passé le canal de Santa Luzia et que nous seront dégagé des effets de côte de Sao Vincente. Nous remettrons la voile à ce moment».

En fait, nous ne pourrons jamais remettre la voile. Moteur et génois au mieux. Le canal de Santa Luzia se transforme vite en programme essorage 1000 tours. Pas de houle, mais le clapot des zones « vent contre courant ». Petit baume au cœur : nous pêchons une bonite et croisons un gros cétacé gris que nous n'avons pas réussi clairement à identifié : gros dauphin, baleineau ?? Le vent qui était annoncé Nord Est virant Nord est plein Est ! Prés très serré, houle légèrement de travers. « Va te coucher, je t'appellerais quand je voudrais dormir » me dit Rémy, vers 20h « Nous risquons d'en avoir pour un bout de temps ».

 « Quand nous serons dégagé de Razo, ça devrait être mieux. » dit Rémy vers 23h qui ne perd pas espoir, encore 15 miles à faire. Mais sa patience éclate : c'est pire, vent de face, il faut rouler complètement. Raffale à 30 nds. Vitesse nulle même un moment. La Mouette en fait demi-tour toute seule. Barre incontrôlable, il faut s'assoir sous le vent pour barrer, car nous sommes obligés constamment de pousser la barre à fond. Vitesse entre 0.5 et 3 nds, moteur à 2500 t/mn!

Je nous vois déjà toute la nuit en mer… Je vois quelque chose de phosphorescent qui vole « Qu'est ce que c'est ? » Mon cerveau n'a pas le temps d'analyser que je me prends une vague en pleine poire. « De l'eau chargée en plancton qui brille dans la nuit, bref une vague » analyse rétrospectivement mon cerveau engourdi.

Pénible à vous dégouter de naviguer. Depuis bientôt deux mois nous n'avons pas pu avancer à la voile, peinards. Toujours des surventes ou une mer agitée ou le vent dans le nez ou pétole… Nos nerfs sont mis à rude épreuve. Peu à peu nous gagnons du terrain. Les lumières de Tarrafal et le projet de jumelage des deux écoles nous guident et nous fait tenir le cap.

Puis, soudain à l'abri de Sao Nicolau, le vent chute, la mer s'aplatit, même la lune se lève. Nous sommes tout bizarres. A Tarrafal : pétole. A 2h30, nous sommes au mouillage. Onze heures pour faire 60 miles !

Nous mangeons une soupe, puis au lit ! Demain, nous irons prendre une bonne douche et voir Tatiana la prof de français du lycée. Notre programme des jours suivant se décidera alors.

 

 

26 février : Ribeira do Calhau.

Francisca Duarte Fortes, directrice de l'antenne du Ministère de l'Agriculture de Sao Vincente, nous accorde encore de son précieux temps, ce matin. Elle nous emmène voir la Ribeira de Calhau, l'ancienne vallée verte de Sao Vincente.

Nous la remercions de nous avoir permis de faire connaissance avec Alberto, Florentina et leurs filles. Nous bavardons sur le  week end enrichissant que nous avons passé à Santo Antao. Nous nous dévoilons aussi un peu plus personnellement et abordons les réalités qui touchent différemment nos pays.
Nous reparlons aussi agriculture. Notamment, les insectes (mille pattes, nématodes) ravageurs des cultures de Santo Antao. Je montre à Francisca le livre de Kokopelli « Dommage qu'il ne soit pas en portugais.» Je lui promets de me renseigner après une version portugaise. Je m'arrête à la rubrique des fleurs : « Tagete Minuta à des vertus nématicides. Deux possibilités : pour les sols infestés, il faut faire un couvert complet du sol ; l'efficacité est valable alors trois ans ; la biomasse produite sert pour refaire du compost ; les fleurs égaient le jardin. En prévention, il suffit d'en mettre quelques pieds dans le jardin. » Francisca prend note. « J'ai reçu hier le monsieur dont l'agriculteur nous avait parlé la semaine dernière. Je lui ai dit que, même donnés, les produits phytosanitaires ne sont pas une solution pour nous. »

 Ribeira do Calhau :

Cette vallée était alimentée par la récupération des eaux de pluie et par des forages. Mais, PAS DE PLUIE DEPUIS 4 ANS ! Cette vallée fertile se transforme peu à peu en désert.  De nombreux forages ne servent plus, car la nappe souterraine est devenue inaccessible, voire a disparue.

Francisca se souvient « Quand j'étais enfant, tout était vert. Toutes ces terrasses étaient cultivées. Après, peu à peu, le manque d'eau a gagné du terrain. Maintenant qu'il ne pleut plus, il reste quelques forages, mais la quantité d'eau prélevée est réglementée. Parfois nous pouvions pomper 3 fois par jour pour remplir ce bassin de 50 m3 ; maintenant nous ne pouvons pas plus d'une fois.» Dans cette vallée, nous constatons la présence de murets encore en bon état, des éoliennes, des bassins de rétention de plusieurs dizaines de m3 qui commencent à se délabrer, à s'ensabler… Parfois, une touche de verdure nous signale la présence de l'eau : palmiers dattiers, papaye, légumes… tout pousse ! Les hommes combattent le vent par tous les moyens.

Nous rendons visite à une association qui s'occupe d'enfants dont les familles n'arrivent pas à assumer la charge. Des enfants de tous âges nous accueillent en souriant, prêts à jouer. Les bâtiments sont en très bon état : une grande salle commune sert de lieu de vie ; la cuisine aux normes d'hygiène sent bon la cuisine familiale ; les dortoirs colorés et parfumés sont décorés par les dessins des enfants représentant le jardin avec l'éolienne, les pieds de maïs, des fleurs… Les enfants savent déjà ce qui est important pour eux. Séquence émotionsssss !

Le jardin de l'association est en plein essor : de la bonne terre a été rapportée (un peu trop fine et manquant d'argile à mon goût, mais avec du compost…), le goutte à goutte est en cours de montage, le forage avec éolienne fonctionne et fournit toujours de l'eau. Seul problème : l'association n'a pas de quoi payer de la main d'œuvre, donc l'avancement est très lent. Heureusement, Francisca qui soutient cette association les aide à trouver des solutions. Ainsi, un rapprochement avec une autre association de paysans permettrait de trouver un compromis : les uns n'ayant pas de terre avec possibilité d'irrigation, les autres n'ayant pas les bras pour exploiter leur terrain. Encore faut-il espérer que ces mêmes paysans sauront cultiver selon les méthodes biologiques. Il subsiste quelques nims dans la vallée. Francisca nous explique que quelques paysans l'utilisent toujours pour ses vertus insecticides, en décoction. Nous expliquons qu'à Tacharane, au Mali, ces applications sont classiquement utilisées en agro-écologie. C'est vrai que les fenêtres ou étendoir à linge des petits ne sont pas loin...  

Un autre paysan nous ouvre son jardin. Il est en train de traiter ses oignons. Déformation professionnelle oblige, je ne peux pas m'empêcher de lui faire remarquer qu'il y a trop de vent. Francisca traduit et éclate de rire à sa réponse : « Il dit qu'aujourd'hui il n'y a pas de vent ! » Deux minutes avant, dans le jardin, nous avions de la peine à ouvrir les yeux : le vent faisait voler la terre des parcelles non cultivées. Francisca m'explique qu'il a vu la technicienne du ministère il y a quelques jours : après observation des symptômes, la technicienne lui a conseillé un traitement.

« Ce paysan est en fait un métayer, le propriétaire ne fait plus rien suite à la disparition de ses parents dans un accident, il reste coucher à longueur de journée. La technicienne accompagne donc ce jeune homme très volontaire pour lui apprendre le métier ; il a suivi une formation pour se protéger lors des traitements. Il n'a pas encore su prendre en compte les conditions climatiques. C'est un accompagnement qui demande du temps». En repartant, je suggère à Francisca : « La technicienne pourrait lui dire : quand l'éolienne ne tourne pas, tu peux traiter ! » Francisca écoute et nous adresse un sourire de reconnaissance. 

Petite fumière traditionnelle.

Je montre à Francisca, comme j'avais pu le faire avec Alberto, la zone d'asphyxie que crée ce type de technique anaérobie (sans air).

La matière organique ne se décompose pas, elle pourrit, puis se dessèche sous l'effet de la chaleur. Le processus d'humification devra se faire au champ, consommant eau, azote pour réaliser les transformations chimiques. Le compost sera en compétition avec les plantes plutôt que de les alimenter.

Nous suivons la vallée jusqu'à l'embouchure de la mer, vers l'est. La route passe à côté de deux cratères éteints. Arrivés à Calhau, le village est essentiellement résidentiel pour les week ends en bord de mer de certains habitants de Mindelo. Belles villas, parfois fantaisistes. « Ici, nous réfléchissons à un projet de désalinisation pour alimenter les jardins, les habitations de la vallée. Mais, c'est très cher. Nous recherchons des appuis financiers. » nous précise Francisca.

De retour vers Mindelo, elle nous montre la Maison du Golf. « Suite à la venue des anglais, durant le commerce des esclaves, le criquet, le golf sont un peu un sport national. Il y a un projet de faire un golf. Ils utiliseraient l'eau du lagunage. Cela ne peut se faire que si nous avons une station de désalinisation pour l'agriculture... Economiquement, cela serait bon pour nous. Des négociations sont en cours !»

Nous quittons Francisca sur l'esplanade du port en lui proposant de repasser peut-être avant notre départ du Cap Vert. « Nous pourrions venir donner un coup de main à l'association des enfants. »  « Nous voulons planter des arbres pour protéger le jardin du vent. Votre aide serait bien venue… » Nous échangerons des mails et coups de téléphone d'ici là. Affaire à suivre.

 

23 au 25 février : Santo Antao, enfin du vert !

Compte tenu des coups vents fréquents et des risques de vol à Mindelo et à Porto Novo et de la traversée difficile du canal entre Sao Vincente et Santo Antao, nous avons laissé le bateau à la marina de Mindelo. Les pontons y sont flottants, amarrés sur chaine : de vrais tapis roulants ! La nuit y fut très mauvaise.

Levés 6h00, pour prendre donc le ferry qui nous emmène jusqu'à Santo Antao. Le RIBEIRA de PAUL, vieux bateau hollandais prévu initialement pour les rivières, appareille à 07h30. Très rouleur et peu protégé des embruns, il est bon marché (350 esc/pers.) et fréquemment utilisé par la population locale. Ambiance conviviale avant et après la traversée, pendant les gens sont plutôt… malades. Heureusement, grande distribution de sacs avant le départ.

Arrivés à Porto Novo, nous ne sommes pas accostés que les chauffeurs d'aluguers nous hèlent, nous sifflent, nous font des grands gestes… dès que nous regardons le quai. « RIBEIRA ?? PAUL ?? »

Nous les laissons derrière nous et montons vers la ville qui domine le port. La montagne se dresse dans la brume de chaleur, palette de couleurs ocres, bruns, avec des tâches beigespour faire ressortir le tout . Encore un désert ! Nous devons trouver un téléphone pour appeler Alberto, un très bon ami auprès de qui Francisca nous a recommandé. « C'est comme mon frère. Nous avons fait nos études d'agronomie ensemble en Russie. » Nous avons eu un contact rapide avec lui hier soir au téléphone, il est prêt à prendre un peu de temps pour nous en dire un peu plus sur l'île de Santo Antao. C'est précieux quelqu'un qui parle français que dis-je inestimable !

« Prenez l'aluguer Dongo, c'est un rasta. Dites lui de vous déposer chez Bitouk. C'est mon surnom. C'est plus simple, car j'habite un peu à l'écart de Ribeira Grande» « Quero aluguer Dongo ?  Aqui ? … Porto»   Nous trouvons le minibus. Dongo est un peu surpris que je demande après lui, mais quand je prononce le mot clé « Bitouk » son visage s'éclaire.

Parcours en aluguer encore plus impressionnant que dans les autres îles : descentes vertigineuses, montées sans fin ; lacets et virages sans visibilité se succèdent.

La végétation apparait dès que nous passons la crête, versant Nord. Feuillus, conifères, puis en redescendant, la végétation s'éclaircit un peu, mais des arbres centenaires nous saluent. Sous leur frondaison, de petites maisons, des enfants qui jouent, des femmes pillent le maïs… Le long de la route, toujours des ânes porteurs d'eau, des enfants sous des sacs plus ou moins encombrants à la suite de leur mère coiffée d'une bassine, un seau …   
Nous roulons même sur les nuages ! Deux vallées s'étendent à pic de chaque côté de la route, juste un petit muret comme protection du vide, nous apercevons vaguement les parois vertigineuses dans les trouées.

 

RIBEIRA GRANDE

L'aluguer stoppe devant une belle maison au milieu des bananiers.

Nous descendons, remerciant le chauffeur, puis nous gravissons le perron. Une jeune fille nous ouvre accompagnée de deux fillettes. Nous demandons après Alberto. Il n'est pas là. Je fais comprendre que nous avons appelé, qu'il nous a dit de venir ici. Il doit revenir, nous allons attendre dehors. Nous nous retournons et nous constatons que… l'aluguer est toujours devant la porte. Dix paires d'yeux regardent la scène, sans en perdre une miette. Le chauffeur voulait savoir si nous étions à destination et nous pensons aussi qu'il y a un questionnement général : « qu'est ce que ces deux touristes, avec leur sac à dos, leur pseudo portugais… viennent faire ici ??????????????? » Nous faisons signe au chauffeur que c'est bon, nous sommes à bon port. C'est presque déçus que les "yeux interrogateurs" repartent. Nous rions de bon cœur de la situation. Nous nous délectons de cette simplicité, cette gentillesse des capverdiens. Devant le portail deux hommes âgés nous font signe. Ils parlent un peu français. Ils appellent Alberto et demandent à la jeune fille de nous faire entrer.

Alberto arrive, il nous explique qu'il est pris entre la supervision des réparations de sa voiture, la garde de ses enfants en l'absence de sa femme Florentina qui est médecin urgentiste… Il va nous accueillir néanmoins comme des amis de toujours.  Nous faisons connaissance dans la fraicheur de son salon à la décoration moderne, mais restant exotique ; puis dans son jardin, sous les bananiers. Nous lui expliquons notre voyage, que nous ne partons pas au Brésil, ni au Sénégal. « Nous sommes venus pour prendre le temps de rencontrer, comprendre la culture capverdienne, nous rapprocher des ruraux. » Il parle très bien français. Il est ingénieur agronome, il travaille au service environnement du camara de Ribeira Grande (municipalité de RG). Alberto a étudié en Russie, Israël et a voyagé beaucoup : japon,…  Il se démène pour nous trouver une pension pour nous héberger à bon prix, un guide pour notre rando de demain. En une demi-heure nous n'avons plus à nous soucier de ces questions matérielles qui nous auraient pris plus de temps, sans garantie d'avoir fait le bon choix.

Avec ses filles (dont j'ai oublié les prénoms, mille excuses… « Nathalie, tu t'étais promis de prendre des notes, surtout pour les prénoms que tu n'es jamais fichue de retenir » peste ma conscience), nous partons à la découverte de la Ribeira de Ribeira Grande. La matinée passe vite. Nous nous arrêtons dans une exploitation tenue par une femme qui nous salue depuis une terrasse. Alberto nous montre le manioc et ses tubercules, nous donne des explications sur le goutte à goutte dont il maitrise la technique apprise en Israël.

D'ailleurs, il nous amène dans une vallée aride avec un écrin de verdure dans son fond : « J'ai aidé les agriculteurs à installer le goutte à goutte ici, quand je travaillais au ministère de l'agriculture. » La présence des fillettes amplifie l'ambiance conviviale : la petite veut s'assoir seulement sur Rémy dans le 4x4, la grande me montre un petit livre « A mar, a piscina… » « J'ai trouvé un professeur de créole ! ». Nous nous rafraichissons avec un « Mais + » goyave, la petite termine celui de Rémy.  

« C'est ma femme, elle est d'astreinte à l'hôpital, elle revient manger rapidement à midi. Elle veut que vous mangiez à la maison ! » Avec Rémy, nous nous regardons un peu gêné de prolonger notre venue, mais sachant d'avance que ce moment allait être riche d'échanges… nous laissons les politesses de côté et acceptons l'invitation. Florentina nous accueille en nous faisant la bise. Elle est heureuse de parler en français, langue qu'elle ne pratique jamais. Alberto fait goûter le grogue local à Rémy qui tousse un peu après la première gorgée. « Nous avons crée la première confrèrerie de Grogue, hier soir, ici à Ribeira Grande. » précise Alberto. Assis à la grande table familiale, poisson, riz, légumes frais cuits à l'eau (dont du manioc car nous avons avoué n'en avoir jamais mangé en légume)  sont joliment présentés. « Ma mère faisait des soupes de tapioca», se souvient Rémy, mais à sa voix je devine qu'il ne devait pas en reprendre trois fois.

Alberto nous explique la culture du manioc.

Nous nous régalons et le repas s'anime au fur et à mesure, jusqu'à ce que Florentina soit obligée de repartir travailler… Nous restons avec Alberto encore une bonne partie de l'après midi. Il nous montre Ponta do Sol et son aéroport au raz de l'eau. Nous apprenons beaucoup de chose sur l'île, ses traditions, ses joies, ses difficultés… peu à peu le vrai visage du Cap Vert se dévoile à nous. 

Avec émotion, nous saluons Alberto. Comment se dire que nous ne nous ne reverrons peut-être plus jamais après ces échanges si cordiaux ? Nous avoir accueillis dans sa famille si simplement et avec tant d'attentions…, une amitié était déjà presque en traine de naître. Grand merci à vous, famille Lima. Peut-être que nos chemins se recroiseront ? La maison vous est grande ouverte.

Rentrés à la RESIDENSIAL 5 de JULHA, est-ce la nuit mouvementée et en pointillé au port, le flot d'émotions, de découvertes de la journée… nous avons besoin de repos, de prendre du recul. Notre chambre à la pension est calme, les volets tirés laissent passer un peu d'air… la sieste est inévitable.

La pension est familiale, comme la cuisine simple et savoureuse qu'on y propose. Nous y dinons après une ballade dans la ville qui est très calme. Demain, une rando nous attend, sans nous faire prier nous sommes heureux de passer notre première nuit à terre depuis début novembre !! Grand luxe : une douche avant de se coucher ! Pas de mouvements, pas de bruits… ça fait drôle durant les trois secondes qu'il nous faut pour nous endormir.

 

COVA – RIBEIRA DE PAUL

Cette promenade est comme qui dirait « un classique », mais après coup, nous dirions : IL FAUT LA FAIRE ! Nous avons la chance d'être accompagnés par Emmanuel. Il est forestier initialement, il travaille pour le ministère de l'agriculture au service de l'hydrologie. Il fait guide pour arrondir les fins de mois, car avec 70 % de la population fonctionnaire, l'Etat n'arrive pas à joindre les deux bouts et paient peu ou pas son personnel. Il connait très bien les plantes, la montagne, les cultures… Nous sommes ravis.

Rendez-vous à 07h30, nous prenons l'aluguer jusqu'à Cova à environ 1100 m d'altitude.

Les arbres agrippent les nuages et les délestent en captant les fines gouttelettes. « Nous avions fait une expérience pour mesurer ce qu'un arbre peut capter » se souvient notre guide «Jusqu'à 200 litres par an ! » Miracle, il pleut, l'eau change d'état au contact des arbres. Ca dégouline le long des troncs. Nous avons presque froid !

Le cratère de Cova se dévoile dans les nuages.

Le cratère de Cova ne se dévoilera pas complètement, mais nous apercevons des champs de maïs, quelques habitions. Un âne brait avec force, son cri raisonne dans cet hémicycle volcanique. Une station de pépinière de l'état à l'abandon semble-t-il. Les infrastructures sont encore bonnes, mais vont vite se détériorer. Le manque d'argent pour payer le personnel semble la cause.

Nous passons un petit col et l'air change encore.

Tache d'humidité sous les arbres, l'eau ruisselle sur les végétaux.

Plus humide, si nous pouvons dire ! Les nuages nous bouchent la vue. Nous regardons à nos pieds. Un chemin apparait serpentant.

Vous inquiétez pas, Mimi a toujours des freins !!!

Les virages sont tellement serrés et rapprochés que nous dirions un chemin à plat dont les méandres auraient été rapprochés pour se toucher. Mais non c'est abrupt ! La perspective donne une impression de plat.

77 virages exactement pour descendre dans la vallée. Des plantes endémiques poussent sur la falaise. Nous sommes en admiration devant le travail qu'a représenté dans le passé la construction des murets, chemins pavés…

Puis, tout un coup, le vert à la fois apaisant et provocateur de la RIBEIRA DE PAUL. « ici, il y a encore de l'eau » nous explique Emmanuel. Nous entendrons et verrons notre première rivière au Cap Vert.

Les terrasses sont opulentes, les arbres magnifiques…

Tout au long du chemin, les trapiches (lieu de fabrication du grogue : des alambics en plein air) fument. Notre guide a plusieurs reprises y a quelqu'un à aller voir !!!! Nous buvons notre bouteille d'eau en attendant. D'ailleurs, nous croiserons beaucoup d'hommes saouls, même des jeunes. C'est dimanche et le trapiche est le lieu de rencontre…

PASSAGEM, jardin public à l'abandon, alors que l'endroit a été construit avec goût, épousant les mouvements du terrain, la présence d'un arbre centenaire. Nous ressentons un mélange de bien être dû à la beauté du lieu et de tristesse et désœuvrement de ce lieu fantôme.

Les villages et les quartiers de PAUL sont soit pimpants, soit de vrais tas d'ordures.

Vers 13h, la mer surgit au détour du chemin. Repas dans un restau pour touriste comme nous ne les aimons pas, mais l'ambiance y est sympa et nous y croisons notre suisse de Mindelo complètement transformé après quelques jours de marche, grogue…

Visite d'un trapiche traditionnel, dégustation de grogue et poncha puis retour à la pension pour une bonne douche et du repos pour les rotules fumantes d'avoir fait un dénivelé quasi continu de 1000 m.

Cette rando me rappelle un film « l'île sur le toit du monde » me dit Rémy : « Dans un pays complètement pris dans les glaces, dans un ancien cratère de volcan, des explorateurs trouve un écrin de verdure… Le jardin d'Eden c'est ici ! »

 

Porto Novo

Descente vers Porto Novo, la face désertique de Santo Antao.

Nous rencontrons Paula Mendiche de l'antenne du Ministère de l'Agriculture de Porto Novo. Elle ne parle pas français, le comprend un peu. Nous comprenons ce qu'elle dit en portugais, nous répondons en français encore incapables de tenir une conversation. Mais, nous sommes contents de constater nos progrès ! Nous apprenons peu de choses que Alberto ou Franscisca nous aient déjà apprises, mais selon la personne les détails sont plus ou moins appuyés selon leur sensibilité, la situation géographique, sociale… 

Nous prenons contact avec un responsable de l'ONG agricole ESSOR qui est basée à Porto Novo. Nous attendrons en vain au lieu de rendez-vous !??

Porto Novo est une ville assez grande, mais avec peu d'intérêt. La plage est petite et sale, apparemment la pêche est interdite à cause d'un germe intoxiquant fruits de mer et poissons.

La mer dans le canal entre les îles écume. Nous prenons le jet pour retourner à Mindelo. Dans le port, le vent arrache des paquets d'eau au petit clapot qui nait dès deux mètres du bord. Jamais vu ça !

C'est comme à Dieppe... sans la pluie !

Au revoir les marins !

 

Nous retrouvons la Mouette qui tire sur ses amarres. Ravitaillement en eau avec particules suspectes en suspension. Nous retournons au mouillage  pour passer une nuit calme.

Difficulté de mouiller entre les bateaux. Je mets à tremper la lessive, Rémy se pose pour lire un peu. Alors que je frotte les chaussettes, je me retourne suite à un petit bruit qui attire mon attention… « Salut toi le chien » puis je réalise que le bateau du voisin se rapproche de nous. « On dérape ! » Branle bas de combat : moteur, gants,… tout le monde sur le pont. Heureusement pas de casse, une risée nous dévie. Rémy remonte une "tonne de salade" (comprendre les fameuses algues vertes responsables de l'eutrophisation de nos petites baies, voire côtes bretonnes, manche… qui s'alimentent de nos phosphates). Un petit tour, nous replantons la pioche pour la troisième fois qui sera la bonne. Ouf ! 

 

22 février : Ribeira du Juliao, vallée irriguée par l'eau la ville de Mindelo traitée par lagunage.

Quelques jours plus tôt, notre tentative au Ministère de l'Agriculture est fructueuse. Mme Francisca Duarte Fortes, directrice de l'antenne du Ministère de l'Agriculture de Sao Vincente, m'accorde un entretien et nous propose d'aller visiter la seule zone agricole encore en activité.

PAS DE PLUIE DEPUIS 4 ANS ! Je n'en crois pas mes oreilles. Du coup, les eaux usées traitées par lagunage sont réutilisées depuis peu pour… irriguer les champs. Certains légumes ne reçoivent pas cette eau traitée.

Nous visitons  plusieurs agriculteurs.

 

Un agriculteur a eu la visite hier d'un américain qui voulait lui donner des « médicaments-pesticides » pour soigner les cultures. Il était même prêt à faire le traitement. Cet homme généreux était recommandé par l'église du coin. « Ca leur coûte moins cher de venir vous donner les produits que nous refusons désormais d'utiliser en Europe. Quitte à payer le transport par bateau ! Que de payer leur destruction en usine à plusieurs euros du kilo. Nous les considérons comme déchets spéciaux : leur transport et destruction sont réglementés et très onéreux.» expliquais-je à Francisca et au paysan qui avait flairé l'arnaque. Ils me regardèrent avec stupéfaction. Pas besoin d'en dire plus… J'insiste sur le fait que « ce ne sont pas des médicaments, comme il vous a présenté cela, c'est dangereux pour vous les utilisateurs et ce n'est jamais anodins pour les autres organismes vivants à proximité».   

   


26/02/2008
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