La Route des Mouettes

Agriculture biologique

Madère, l'île verte, veut le rester !

Sur l'île de Madère, située à 630 km des côtes du Maroc, en plein océan atlantique, les "poios" et les "levadas" créés depuis plus de 10 siècles pour permettre aux habitants de l'île de cultiver de petits lopins de terre, génèrent encore indirectement le revenu principal… Les touristes viennent du monde entier pour découvrir ce pays de cocagne. Mais, quand en pleine randonnée des odeurs suspectes sont perçues ou que des tâches poudreuses recouvrent les tomates du marché pourtant si coloré… l'image de marque en prend un coup.

« 240 ha de production biologique en 2007. Il y a dix ans, cette surface était de 21 ha ! », José Marques, directeur de Direcçoa de Desenvolvimento da Agricultura Biologica, est face à un groupe de professeurs de l'université. Nous sommes sur l'île de Madère, à Santo da Serra, à 550 m d'altitude, dans une ferme biologique. « Le gouvernement autonome de la région de madère soutient depuis 2001 la conversion des agriculteurs à l'agriculture biologique, avec un renforcement des mesures en 2006. » Pourtant, l'estampille « bio » n'est pas encore bien connue de la population locale. Afin de promouvoir ce mode de production, des universitaires sont donc aujourd'hui sur le terrain pour découvrir le cahier des charges de la filière et poser toutes les questions directement à un producteur converti depuis 1979.

Un risque sanitaire latent.

L'augmentation de la population de l'île, son désenclavement dans les années 1960 grâce au transport aérien a permis aux produits  phytosanitaires de faire leur entrée. L'agro chimie profitant du manque d'enseignement dispensé en agriculture a propagé ses chimères sans aucune précaution. Ici tout le monde à un jardin, certes petit, mais où chacun cultive sa ou ses micro-terrasse(s) pour se nourrir ou comme revenu d'appoint. Ainsi, le week end, femmes, enfants… viennent sans aucune protection travailler les lopins de terre escarpés. Le risque sanitaire réel n'est pas connu. Mais, a-t-on besoin de faire des études ? Quand vous savez que ce sont les mêmes formulations utilisées en France au niveau agricole qui sont épandues avec des pulvérisateurs… à dos, depuis des décennies.

Sur des exploitations de 1700 m2 en moyenne, les mêmes molécules sont utilisées que dans les exploitations de grandes cultures européennes. Seule différence : les traitements se font au pulvé à dos, les épandages d'engrais à la main.

Mais le gouvernement autonome de Madère a décidé de reprendre les rennes. Il faut dire que de nombreux touristes, dont une bonne partie d'origine allemande sensible au respect de l'environnement, se sont plaints de sentir des effluves chimiques lors de leurs randonnées dans l'île ! Or, le tourisme est la principale activité économique de l'île (76 % de la valeur ajoutée contre 3% pour l'agriculture, la forêt et la pêche). Il ne restait donc plus qu'à convaincre les locaux. Pour cela, un soutien financier à la filière bio a été débloqué, complété par des aides européennes. Ainsi, la présence de conseillers techniques sur toute l'île permet la mise en place d'un plan d'assistance technique, sur trois ans pour tout agriculteur qui souhaite se convertir au bio. Horticulture, maraichage, viticulture, canne à sucre… Toutes les cultures sont concernées, même la banane !

La banane fera-t-elle virée l'île au bio ?

Alors que c'est sûrement pour protéger cette culture, que les insecticides les plus dangereux ont pénétré dans ces jardins suspendus au milieu de l'atlantique, la banane bio se développe. Nous voici maintenant avec M. Luis RIBEIRO, responsable régional au ministère de l'agriculture et de l'environnement, à la station expérimentale de PONTA DO SOL. Ici, les pieds de bananiers sont plus espacés que la culture dite « traditionnelle » ; ainsi, le soleil pénètre mieux entre les pieds ; l'air circule mieux ; les bananiers sont moins malades. Les trips ne sont plus en contact avec les régimes grâce à l'utilisation de sacs protecteurs. Pour multiplier les variétés adaptées au climat de l'île mais parfois originaires des Canaries, de Guyane, la technique du clonage in vitro est utilisée. La micro irrigation évite le gaspillage de l'eau. Des insecticides, reconnus par la charte ECOCERT, sont encore appliqués. Mais ils ne sont plus qu'au nombre de deux au lieu de 10 en conventionnel. Au final, les agriculteurs rencontrent surtout des problèmes de désherbage. La production diminue les deux premières années, puis remonte, une fois l'équilibre retrouvé sous le feuillage de l'herbe la plus grande du monde.

      

Non aux OGM !

« Les OGM n'auront pas droit de cité au sein de l'île de Madère. Le DDT aussi était inoffensif, nous avons bien vu après »,  M RIBEIRO a travers ces propos nous explique que le gouvernement autonome de Madère ne souhaite pas des OGM. La Laurisylva, forêt de Lauriers, renfermant des espèces endémiques et notamment des fougères arboressantes, les poumons de l'île, doit être préservée. Cette végétation capte en effet l'humidité des nuages, voire les retient, et permet à l'ensemble de l'île d'être alimentée en eau. Arriveront-ils à résister aux pressions ou à la contamination « fortuite » ? Nous leur souhaitons.

 

Jusqu'à sept récoltes par an.

A Madère, l'agriculture tout mode de production confondu occupe seulement 7% du territoire de l'île, mais est très diversifiée : banane 640 ha, vigne 1520 ha, horticulture 2201 ha, fruits 500 ha et canne à sucre 130 ha. Ces surfaces peuvent nous paraître ridicules, à nous autres français, habitués aux grandes plaines céréalières. Mais si vous apprenez que la surface moyenne d'une exploitation est de 1700… mètres carrés, en plusieurs parcelles, pour une déclivité souvent supérieure à 25% et que l'âge moyen des paysans est de 65 ans. Respect ! Car, l'île est quasiment autonome pour tout ce qui est fruits et légumes. Mais comment est-ce possible ? Le relief de l'île crée une succession de microclimats.  A chaque étage et orientation, sa culture : le bord de mer, côté sud, est propice à la banane et à la canne à sucre ; quand vous voyez les vignes c'est que vous êtes à une altitude de 150-200 mètres ; le maraichage se fait sa place entre, adaptant  les espèces au milieu : avocats et tomates à basse altitude, carottes, patates douces et pommes de terre à partir de 200-300 mètres …  Parfois, tout ce mélange ! Ou plutôt occupe plusieurs étages de ces terrasses suspendues dans le vide par on ne sait quel miracle. Les vignes classiquement cultivées en pergola (de moins de 1.5 m de haut pour ne rien simplifier) abritent entre leurs rangs des pommes de terre, des choux… Pas un centimètre de terre ne doit être perdu. Jusqu'à sept récoltes peuvent être faites par an.



03/01/2008

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